Evènement du dimanche 23 juin 2013
Michaël Kohlhaas
(France – Allemagne – 2013 – 122mn – couleurs – vo)
En présence du réalisateur Arnaud des Paillères
Michael Kohlhaas est un marchand de chevaux prospère qui, confronté à une injustice flagrante bien que peu spectaculaire, renonce brutalement au confort de sa condition pour se rebeller contre un ordre corrompu. Lorsque deux de ses chevaux sont confisqués par le caprice vénal d’un noblaillon local, notre homme quitte son costume de commerçant pour endosser celui de redresseur de torts. Et quand son épouse, venue plaider sa cause auprès de la souveraine, revient blessée à mort, c’est en guerrier implacable qu’il se métamorphose. Si le roman de Heinrich Von Kleist, chef-d’œuvre aussi sec que saisissant écrit au tout début d’un XIXe siècle agité par les guerres napoléoniennes, n’est probablement pas dans la ligne de mire de la production, le pitch ainsi résumé ouvre la porte à un gros machin en costumes bariolés et au budget colossal, tout ce dont le film d’Arnaud des Pallières est exactement le contraire.
Dans un dénuement qui cite souvent celui du Lancelot, de Bresson, le cinéaste excelle dans l’art d’escamoter, de ne pas montrer ce qui, justement, serait le point d’orgue de la plupart des films d’époque. Kohlhaas est un homme seul, en dépit des centaines d’hommes qui l’entourent et dont ne voit jamais la masse. Cette solitude fanatique n’est pas seulement rendue par la maîtrise du cinéaste. Mads Mikkelsen, granitique et autoritaire, a construit au moins autant ce personnage, et donc ce film.
B. Icher / Libération