Depuis des temps lointains, le taureau occupe une place prépondérante dans l’imagerie populaire de la Camargue. Jamais domestiqué, vivant en semi-liberté dans un environnement naturel, il doit sa renommée à sa combativité et à son aptitude aux jeux taurins.
C’est au début du siècle dernier que les éleveurs de taureaux ont vraiment réalisé que les qualités morphologiques de l’animal, sa rusticité, son caractère sauvage, son tempérament, le prédisposaient davantage à la course dans les arènes qu’au travail ou à la production de viande. Ainsi s’est déterminé au fil du temps l’objectif principal de l’élevage de la « raço di biòu ». Intelligence, fougue, rapidité, combativité, sont autant de qualités que va s’efforcer de déceler le manadier à partir de la sélection des étalons (taù), des taureaux castrés (biòu) et des « cocardiers ». Un travail qui demande du savoir-faire et de la persévérance.
Même si le métier de gardian a beaucoup changé – l’image du gardian qui gardait le bétail à pied à « bâton planté » toute la journée n’existe plus que dans les livres de souvenirs – les hommes et les femmes, amateurs ou professionnels, qui s’impliquent dans la vie de la manade le font toujours avec autant de passion, d’abnégation et de compétence. Pour acamper, trier, marquer, soigner les taureaux, ils doivent de surcroit être des cavaliers habiles et expérimentés. Des aptitudes, des connaissances, une culture et un art de vivre qui contribuent à la préservation et à la transmission du patrimoine camarguais.
Afin de vous faire découvrir les différentes facettes du travail dans la manade nous vous proposons une authentique plongée dans le monde de la bouvine. Au cours des prochaines semaines, Vauvert Plus présentera des chroniques de la vie quotidienne des manadiers et des gardians mises en images par Emile Grande et Jean-Pierre Trouillas. Nous remercions Jacques Blatière et ses neveux, Laurent et Pierre Bessac, qui nous accueillent aux Iscles, au cœur d’un des plus anciens et des plus prestigieux élevages de taureaux de Camargue.
Notre première chronique s’ouvre par une rencontre avec Jacques Blatière qui nous parle des taureaux de « raço di biòu » et de la manade fondée par son grand-père, Alfred Blatière, en 1921. L’auteur, Adrien Girard, lauréat du Prix Hemingway 2016, nous fait l’honneur et l’amitié de conduire cet entretien.
Rencontre avec Jacques Blatière par Vauvert-plus