Un titre évocateur pour la première exposition de l’année organisée par la municipalité qui a à cœur de présenter des artistes locaux. Emeric Jacob vient de Palavas et a apporté ses sculptures nées des déchets jetés ou rejetés sur les plages du littoral, les émergences de la mer.
Une étrange atmosphère saisit le visiteur qui n’aperçoit au départ qu’une succession de sphères. L’œil ne sait où regarder, le corps ne sait où se placer, déambule dans l’arborescence des sculptures, puis commencé à détailler, s’arrête de l’une à l’autre, attiré par une couleur, un objet, une matière. Conquis ou choqué, la sensation est double. Celle d’être face à une œuvre atypique et poétique mais aussi à une réalité amère, l’état des plages et de la mer. Objets, matériaux, restes de la nature ont été glanés depuis dix ans par l’artiste, pour être présentés au spectateur comme un miroir renvoyant l’état dérisoire de la société. Pas de messages dans les bouteilles mais un signal omniprésent, à la fois doux et brutal pour une prise de conscience efficace. La forme ronde renvoie à l’origine du monde et de l’homme, condamné tel Sisyphe à recevoir ce qu’il a lui-même jeté. Emeric Jacob, amoureux de la mer et de ses rivages, a réussi à montrer en beauté l’absurdité de la société de consommation et de négligence de la nature. Un équilibre entre art et dérision. L’exposition réveille. Le visiteur contemple à la fois l’œuvre et le désastre écologique.
Ingénieur de formation, Emeric parle de conception, d’architecture, de lumière. Lors du vernissage, il a expliqué sans détour sa démarche et ses constructions. « A chacune de mes explorations, je glane les objets marquants qui représentent un lieu, un style de vie. Je les enferme dans des cages métalliques rondes, je compose et compacte. » Les déchets nettoyés et triés selon leur forme, couleur et évocation sont assemblés et traversés par des tiges en inox. « J’ouvre ensuite la cage et les libère » poursuit l’artiste, « les éléments qui n’ont pas de lien quittent la sculpture. Un équilibre se crée. » A travers ses sculptures, il dénonce le rôle destructeur de l’homme, l’atteinte aux écosystèmes, le réchauffement climatique. « Un engagement admirable » selon l’adjointe à la culture Laurence Emmanuelli qui a présenté l’artiste, « un beau témoignage de la relation entre notre société et la nature. »
Interrogé sur la forme répétitive, l’artiste explique. « Le spectateur oublie la forme de l’œuvre et se concentre sur le détail. Chaque sphère représente un lieu et les objets glanés parlent, évoquent une histoire selon le rivage et le village. C’est comme une observation scientifique. Les paramètres doivent être identiques. »
Les spectateurs sont restés assez silencieux. Les uns demandant aux autres ce qu’ils en pensaient mais chacun n’en pensait pas moins, avec un petit sentiment de culpabilité d’appartenir à cette société de consommation qui par ses rejets engendre à petit feu la destruction de la nature, à moins que les prises de conscience émergent elles aussi… A voir absolument et en famille.
Exposition jusqu’au 20 avril à l’espace Jean Jaurès de Vauvert 04 66 73 17 33