Chaque jour, plus de 130 000 personnes habitant le sud du département sont alimentées en eau potable par les nappes de la Vistrenque et des Costières. Cette ressource renouvelable – mais non inépuisable – reste naturellement de bonne qualité. Toutefois, depuis une trentaine d’années, la diversification des cultures a entraîné dans certains secteurs une plus grande vulnérabilité aux pollutions par les nitrates et les pesticides. Vulnérabilité accentuée parfois par la très faible profondeur de la réserve d’eau. Dés lors, la préservation de la qualité des nappes, voire leur restauration, devient une préoccupation majeure pour les communes ou leurs regroupements. C’est l’objet du Syndicat Mixte des Nappes Vistrenque et Costières.
Créé à l’origine pour étudier les variations quantitatives et les capacités de recharge de la nappe de la Vistrenque, le syndicat a peu à peu élargi son territoire et ses compétences. Sur une superficie de 540 km2, représentant le territoire d’une quarantaine de communes du sud gardois, il regroupe la nappe de la Vistrenque et les trois nappes des Costières qui appartiennent au même réservoir aquifère.
Sophie Ressouche, Ingénieur, directrice du syndicat, anime l’équipe technique (Frans Brouwers, Isabelle Brunel, Carine Esculier).
Malgré les efforts déployés par le syndicat et la directive européenne de 1991, le problème des nitrates reste toujours d’actualité.
Sophie Ressouche – La présence de nitrates dans les nappes provient pour l’essentiel de l’agriculture et de l’exploitation de cultures nécessitant des apports d’engrais importants (maraîchages). Très solubles dans l’eau, les nitrates constituent la cause majeure de pollution des réservoirs d’eau souterraine. Dans certains secteurs, on a encore effectivement du mal à concilier une agriculture traditionnelle qui privilégie les rendements avec une eau de nappe de qualité. Les maraîchages sous tunnel intensifs mais aussi les grandes cultures (blé) sont le plus souvent à l’origine de la pollution des nappes par les nitrates. C’est pourquoi avec la Chambre d’agriculture, nous continuons d’œuvrer à la sensibilisation des agriculteurs afin d’améliorer les techniques de fertilisation, nous exerçons une vigilance accrue sur les forages présentant une concentration hors normes de nitrates (50mg/litre).
Concrètement, pouvez-vous nous nous décrire la réalité de ces travaux ?
Sophie Ressouche – A partir des années 2000, nous nous sommes penchés sur la gestion de l’interculture. Pour prendre un exemple, lorsqu’il y a une culture de salades en été, elle s’arrête à la fin de l’été et normalement, les sols ne sont pas réutilisés jusqu’au printemps prochain. Alors, avec la Chambre d’agriculture et l’Agence de l’eau nous proposons à l’agriculteur l’implantation de cultures intermédiaires pièges à nitrates. Ces cultures ont pour vocation de couvrir les sols à l’automne, d’absorber tous les reliquats d’azote présents dans le sol, de les stocker dans les parties aériennes des plantes pendant la période automnale à forts risques de lessivages. Ensuite, elles sont broyées et réincorporées dans le sol, d’où l’appellation d’Engrais verts. Les avantages des cultures intermédiaires : elles améliorent la structure et la fertilité du sol ; elles immobilisent l’azote du sol pendant l’interculture ; elles contribuent à limiter les phénomènes d’érosion des sols ; elles participent à la mise en valeur du paysage et à l’entretien de la biodiversité.
Pendant plusieurs années, nous avons travaillé sur ce volet CIPAN (cultures intermédiaires pièges à nitrates) et puis, finalement, les Engrais verts sont devenus une obligation règlementaire de la directive nitrates. Ça ne veut pas dire pour autant que tous les sols sont recouverts à l’automne. Il reste encore du travail et des efforts de persuasion.
Le problème des nitrates n’est-il pas lié aussi à leur durée résiduelle dans les nappes ?
Sophie Ressouche – Effectivement, les nitrates lessivés par les eaux de ruissellement et d’infiltration s’accumulent dans les nappes. Une fois dans l’eau, ils ont une durée de vie persistante et ne sont pas forcément dégradés. Pourtant, contrairement à ce qu’on pourrait penser, quand on modifie fortement l’occupation des sols à proximité des forages, il ne faut pas dix ans pour que la nappe réagisse. Dans les mois qui suivent l’arrêt de la culture, les teneurs en nitrates peuvent baisser de manière significative. De quoi justifier les actions volontaristes du syndicat.
Autre problème de taille : la pollution par les pesticides
Sophie Ressouche – Les pesticides, on peut dire qu’on en détecte quasiment partout. Et tout particulièrement, des herbicides (des produits pour tuer les mauvaises herbes). Dans les eaux souterraines, on retrouve surtout des triazines et leurs dérivés (atrazine, simazine,..), des produits de synthèse qui sont interdits depuis plus de dix ans, mais qui, en se dégradant, génèrent des molécules très persistantes dans l’eau.
Autant pour les nitrates, l’origine agricole est indéniable, autant pour les pesticides, les agriculteurs ne sont pas les seuls utilisateurs. Les collectivités avec l’entretien des espaces verts, les gestionnaires d’infrastructures avec l’entretien des routes et des voies ferrées, et même les particuliers qui utilisent des désherbants concourent à la pollution des nappes.
Menez-vous des actions spécifiques sur les pesticides ?
Sophie Ressouche – Les mesures de protection contre la pollution des eaux par les pesticides nécessitent de réduire les usages à la source. Nous travaillons avec les collectivités : les communes du Cailar, d’Aimargues, la communauté Terre de Camargue, Saint-Gilles, Caissargues, Bouillargues, Manduel et Redessan. Leurs captages ont été définis comme prioritaires, c’est-à-dire qu’ils avaient des problèmes de qualité, nitrates ou pesticides. Sur ces treize captages importants, nous avons mis en place une démarche visant à délimiter l’aire d’alimentation. Ensuite, à l’intérieur de cette aire, nous conduisons une animation auprès des agriculteurs pour la modification des pratiques. Ils peuvent contracter des mesures afin de bénéficier de subventions pour compenser le coût du travail (désherbage mécanique en remplacement des herbicides, par exemple) ou la baisse de rendements (limitation des engrais). Donc, il y a tout un travail qui est fait aujourd’hui à l’échelle de ces aires d’alimentation pour protéger durablement les captages d’eau potable de ces pollutions diffuses.
Pour conclure, pouvez-vous récapituler les actions que mène le syndicat pour la protection des nappes ?
Nous travaillons autour de trois axes principaux.
1 – Surveillance de la quantité et de la qualité de la ressource à travers des réseaux de suivi (réseau de suivi au niveau quantitatif, plus réseau de suivi pour la surveillance de la qualité ;
2 – Animation (sensibilisation) pour la mise en place de mesures de protection des nappes au niveau des captages prioritaires (réduction des cultures consommatrices d’intrants, changements de cultures, désherbage mécanique) ; Animation pour la lutte contre les pollutions d’origine non-agricole (services techniques et espaces verts des collectivités) ;
3 – Elaboration du SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) Vistre – Nappes Vistrenque et Costières. La démarche est portée à la fois par le Syndicat Mixte de Nappes Vistrenque et Costières et le Syndicat Mixte du Bassin Versant du Vistre.
Aujourd’hui, nous sommes dans la phase d’élaboration de la stratégie du SAGE, c’est-à-dire de définition de la politique de gestion de l’eau pour les 10 prochaines années : Comment satisfaire les besoins en eau potable ? Comment préserver la qualité des milieux aquatiques (eaux souterraines et eaux de surface) ? Comment se protéger du risque inondations ?
Voilà les trois volets enjeux du SAGE.