Franquevaux, avec son passé historique fort autour de l’abbaye offre de magnifiques paysages sur la Petite Camargue. A l’extrémité de son territoire, le pont est le dernier lien avec la civilisation. Une carte postale avec le canal et les marais à perte de vue. Les maisons du hameau sont en partie construites avec les pierres de l’Abbaye, mais qui sait que le mazet en ruine au pied de ce pont était un relai pour chevaux et que la toiture de la guinguette abrite les poutres séculaires de l’abbaye ? « Je les ai récupérées moi-même et j’ai appris avec un sagneur à faire un toit à l’ancienne » explique Thomas Fougairolles qui a démarré son activité voici une douzaine d’années. Dans cet univers magique, il élève ses chevaux Camargue en liberté qui semblent régner sur les lieux. Une petite guinguette permet de faire une halte ou venir passer un moment hors du temps.
C’est ce qui a conquis Nadège Gajic pour installer l’association ACELE, aventure au cœur de l’esprit libre, des chevaux Camargue au service du bien-être humain. « Ils sont bien traités, équilibrés et en harmonie avec leur milieu naturel, se sentent bien et le transmettent. Ils apaisent. » Thomas est un éleveur qui travaille à l’ancienne, une autre vision du métier qui se fait rare, mais qu’il se permet grâce à l’environnement privilégié. « La meilleure éducation est la liberté. J’ai appris avec mes oncles éleveurs, manades de Franquevaux et Martini. Les taureaux sont libres aussi. Mes chevaux n’ont aucune barrière. Il faut laisser faire la nature. Moi aussi j’aime être libre. »
Nadège aussi a grandi dans un environnement qui ressemble à celui de Petite Camargue. « Je suis originaire de Bosnie. Le pays a 1 500 chevaux sauvages en liberté, et le Danube qui traverse l’ex-Yougoslavie a une des plus grandes roselières d’Europe comme ici. » Sont pays a également vécu le traumatisme de la guerre, un autre lien avec le projet qu’elle a créé.
La médiation avec le cheval permet une interaction inédite entre deux êtres vivants. Les chevaux choisissent s’ils veulent aider la personne qui arrive avec sa problématique. « Ils prennent plaisir à faire du bien mais peuvent aussi ressentir le mal être de la personne et l’absorber. » Les séances permettent de redonner confiance, l’envie de refaire des choses, de retrouver du lien social. La personne en souffrance morale fait des exercices avec le cheval, se présente à lui, le met en mouvement, lui fait passer des obstacles. L’exercice phare est celui avec les yeux bandés. Le stagiaire revit l’événement traumatique qu’il a subi, avec bienveillance. Cela lui permet de refaire face. Les symptômes et les progrès sont mesurés scientifiquement et des vidéos permettent de le visualiser.
Les stagiaires sont en immersion totale, en dehors de toute civilisation qui a été la cause de leur mal être. L’historique des lieux fait partie du soin. Ils vivent une expérience inoubliable. « Le lieu qui garde leur secret devient un petit port d’attache. Ils ont besoin d’y revenir dans d’autres conditions pour profiter du cadre » explique Nadège.
« Le cheval permet de retrouver liberté et autonomie. Ils peuvent le faire parce qu’ils l’ont eux-mêmes » complète Virginie. Elle est secrétaire Les Sentinelles de la nation qui amène des blessés de guerre, pompier, policiers, victimes de terrorisme. Car ACELE soutient elle-même d’autres associations, pour des adolescents en décrochage scolaire, des réfugiés ou repris de justice en réhabilitation.
Nadège a commencé il y a quatre ans et les retours sont très bons. Elle aimerait pouvoir aider plus de stagiaires. C’est son association qui finance les séances et les chevaux sont loués à Thomas. L’infrastructure doit encore être adaptée, mais d’une certaine manière, pour respecter l’environnement des chevaux et leurs habitudes. L’éleveur aura besoin aussi d’être secondé pour préparer ses chevaux et entretenir les lieux. La dynamique entrepreneuse multiplie les démarches pour obtenir de l’aide. Elle a tapé à la porte du PETR Vidourle Camargue, le pôle d’équilibre territorial et ruralqui a vocation à aider les projets de territoire et gère les fonds d’aide européenne du programme de proximité Leader. Un véritable coup de pouce financier aux projets écologiques, économiques, sociaux ou innovants. De nombreux domaines sont éligibles, savoir-faire locaux, entrepreneuriat, tourisme, patrimoine culturel et naturel, employabilité et le vivre ensemble, portés par des particuliers, entreprises, associations ou collectivités.
Le PETR qui est constitué de cinq communautés de communes et plus de cinquante communes semble être une instance éloignée du terrain, et pourtant les élus en sont issus, les employés sont dévoués, et des bénévoles membres de la société civile font le lien avec le terrain. « On le fait par passion pour notre territoire » s’exprime l’un d’eux, Claude Constant. Il est l’un des plus anciens à faire partie du dispositif. Il est également parrain de ce projet à Franquevaux, une nouveauté. « Cela va permettre au PETR d’être encore plus proche du terrain ». Le parrainage a été émis en place pour accompagner le porteur de projet dans sa démarche de demande de subvention européenne. Les employés du PETR font déjà le plus gros du travail, en montant les dossiers de projet et vont même au-delà en orientant vers d’autres aides potentielles ou en donnant des contacts. « Les démarches vues de l’extérieur paraissent tout de même compliquées et certaines personnes n’osent pas venir parler de leur projet » poursuite Claude. Avec le parrainage, elles auront à leurs côtés des personnes de la société civile, qui parfois ont elles-mêmes bénéficié d’une subvention et souhaitent à leur tour apporter de l’aide à des postulants.
Le projet avec les chevaux Camargue s’inscrit parfaitement dans les critères d’attribution de financement : tiers-lieu, préservation d’une activité économique, sauvegarde des traditions, création d’emploi, écologie. Les points forts ne manquent pas. Si une représentante du PETR est venue avec le parrain sur les lieux, ce n’était pas pour être convaincue, mais pour s’assurer que l’entreprise était viable dans le temps : « nous devons vérifier que le financement ne reste pas une aide au démarrage mais soutienne une activité pérenne. » Malheureusement comme dans de nombreux domaines, les enveloppes de financement ont diminué et le nombre de projets à soutenir a été diminué par deux. « On pourra facilement convaincre les membres des commissions des objectifs du projet qui implique en plus plusieurs associations. » Pour cette rencontre sur le terrain le 16 février, Gérard Chapus le président des Sentinelles de la nation est venu rencontrer le PETR pour soutenir la demande d’aide financière et attester de la réussite du projet. Cette rencontre a fait franchir une étape supplémentaire pour ACELE dont Thomas est le président et Nadège trésorière, mais également pour le PETR pour qui le projet ne sera pas qu’un dossier, mais en arrière-plan de belles images, des visages de passionnés, éleveur, entrepreneur et bénévole.