Les petits-veaux sont les premiers servis. Dans les prés des Iscles, ils sont une quarantaine nés de l’année passée dans un enclos pas trop loin du mas pour que les manadiers gardent un œil sur eux. Les cocardiers et le reste de la manade, pour les apercevoir, il faut aller tout au fond du pays. Leur tournée de trois heures débutera prochainement. Pour le moment, les taureaux ont leur tranquillité et surtout encore de l’herbe.
La tournée des veaux ne dure que trente minutes, mais quel plaisir deux fois par jour ! Noa une vache domestiquée veille sur les petites vaches qui viennent d’être séparées de leur mère. Un sevrage nécessaire pour que les mamans se reposent et reprennent des forces. Dans le second enclos, les mâles avec Papillon, leur gardien. Il est le premier à venir voir sur la remorque si le foin est bon.
L’arribage* occupe bien manadiers, gardians et amateurs en hiver, mais le rituel, quotidien pour certains, ne les lasse pas. Le bonheur des yeux, la beauté des paysages et de leurs occupants, la tranquillité malgré le ronronnement du tracteur. Le manadier Jacques Blatière est souvent du voyage, au volant, et toujours prêt pour blaguer : « filles et garçons sont séparés, comme à l’ancienne école et à la maternelle !» Les veaux n’ont que dix à douze mois. Ils ont été séparés de la mère. Le foin remplace l’alimentation lactée, avec un menu spécial tout de même. Noa et Papillon les tranquillisent et veillent à ce qu’ils tiennent leur rang. Le fourrage est éparpillé en lesques* pour que tous parviennent à manger tranquillement, cinq à six kilos chacun.
Les taureaux adultes mangent près du double ! « On jauge si la quantité est suffisante quand on arrive. Souvent ils ont fait la vaisselle et viennent de suite. Si ce n’est pas le cas, c’est que le menu était moins goûteux ! Certains prés sont de meilleure qualité que d’autres avec plusieurs variétés de plantes. »
Malgré le manque de pluie, l’herbe ne manque pas avant le début d’année grâce au système d’irrigation des prés. L’arribage durera jusque fin avril, à la repousse. Dans les prés palustres et les prairies de fauche, les taureaux adultes ont encore de quoi manger suffisamment.
« Quand les veaux seront bien sevrés et habitués à manger le fourrage, avant l’été, ils seront « bandis »* dans le pays avec les autres taureaux et rentreront dans leur vie d’adolescent » conclut Claude, un des fidèles qui ne se fait pas prier pour accompagner les manadiers dans leur tournée.
Petit lexique de la bouvine
* Arribage : En période hivernale, pour compenser le manque d’herbage, le manadier complète l’alimentation des taureaux par un apport de fourrage. Cette distribution de foin ou de luzerne, c’est « l’arribage ». Aux Iscles, la mise en culture de terres fourragères assure à la manade Blatière Bessac son autosuffisance.
* Bandir : Lâcher rapidement – Délivrer – Lancer
* Lesque : Portion de fourrage distribuée à la fourche
* Simbèu : C’est le terme provençal (symbole, signal) qui désigne le taureau castré servant de « dountaïre » (dompteur). Portant une sonnaille autour de son cou, le simbèu est parfois chargé de ramener au toril le cocardier qui refuse de quitter l’arène.