Chez Paul et Mimi : au rendez-vous des sportifs (Part 1)
« Brétou » nous raconte les années Paul Barthès.
Après la Libération, Vauvert a connu son premier footballeur professionnel : Paul Barthès.
Formé au Football Club Vauverdois et attaché à ses racines locales, Paul a porté pendant plusieurs saisons les couleurs de Nîmes-Olympique et de l’Olympique d’Alès. Défenseur intraitable, il alliait des qualités physiques remarquables à un fort tempérament de gagneur.
Au début des années 50, parallèlement à sa carrière sportive, Paul avec l’aide précieuse de son épouse Mimi reprend le bar du Caveau. Ils en font pendant plus de vingt ans une véritable institution, un lieu familier de rencontre, de convivialité, de détente, où vont se côtoyer les sportifs – bien sûr – mais aussi les musiciens, les joueurs de cartes, de lotos, et tous les amateurs d’échange et de discussion autour du zinc.
Parlez-nous un peu des années de jeunesse de Paul Barthès et de sa passion naissante pour le sport.
Paul avait un an de plus que moi. Il était né en 1923, (le 29 mars, plus précisément). Ses parents habitaient au bout de la rue Montcalm. Son père, Moïse Barthès était menuisier chez Camille Nissard (dont l’atelier se situait dans la petite impasse en face la mairie, rue François Boissier) et Paul avait même commencé à apprendre le travail du bois après son certificat d’études.
Tout jeune, il était surtout passionné par le sport et les activités physiques.
Pourtant, Vauvert ne disposait pas de structures sportives à l’époque.Non. En dehors de la cour de l’école, on ne disposait pas de lieu particulier pour la pratique du sport. Et encore moins de salle, de gymnase ou de piscine. C’est bien simple, on apprenait à nager dans le Vistre. On y organisait même des compétitions (non officielles, il va de soi) de natation.
Avant la création du FCV, les footballeurs locaux évoluaient sous l’égide du Sporting-Club de la Vistrenque. Les rencontres avaient lieu sur un terrain, derrière la gare, en bordure de la voie de chemin de fer. Ce terrain, où gambadent aujourd’hui de jolies petites chèvres, appartenait à Louis Rodde (plombier-ferblantier) qui lui-même avait été un des tout premiers joueurs réputés de l’équipe.
En 1935, à l’avènement du Football club vauverdois, Gaston Sauvaire, le fondateur de la distillerie des Costières, fit don d’un terrain, route de Nîmes : l’actuel stade Robert Pradille. Ce chef d’entreprise inventif, mécène à ses heures – il organisait pour la fête le grand prix cycliste Anis Suix, (du nom du pastis qu’il fabriquait) – fut ainsi à l’origine du premier équipement sportif de la commune.
En fait, l’initiation sportive de Paul s’est faite sur le tas.
C’est exactement ça. Pensez, il n’y avait pas d’école de football ou d’équipes de jeunes. Nous jouions sur des terrains de fortune : la cour de récréation, la placette du quartier ou plus généralement dans des « armas » (des terrains vagues) à l’écart du village.
Le jeudi, comme nous n’avions pas d’école – c’était le jour de repos des enfants – Paul venait me chercher. Il arrivait, seul, avec son ballon et ses souliers de foot ; et nous allions au champ des « crèquis » (orthographe hasardeuse de « criquets » en patois) qui se situait à proximité du Vallat de la Reyne (l’actuel quartier de la Costière). Nous avions quinze ou seize ans et mon père me disait : « Nettoie l’écurie, puis tu iras jouer ». Alors, Paul m’aidait à nettoyer l’écurie ; et nous pouvions enfin aller jouer.
Sur le terrain où seul le mistral fixait les règles, nous délimitions la cage avec nos vêtements et nous nous exercions au tir aux buts. Tout naturellement, je suis devenu le gardien de cette zone virtuelle – poste que j’ai occupé vingt-trois années au FCV – pendant que Paul a développé – parfois à mon corps défendant, c’est le cas de le dire – sa puissante frappe de balle.
Vous avez ensuite intégré le Football Club Vauverdois.
J’ai signé ma première licence en 1942. Au même moment, Paul est parti faire les chantiers de jeunesse qui avaient remplacé le service militaire après l’armistice.
Les chantiers de jeunesse à Saint-Pons, dans l’Hérault et plusieurs mois de travail en Allemagne ont éloignés Paul de Vauvert. A son retour – il a alors vingt et un ans – il rejoint le FCV où il va acquérir les fondamentaux du jeu collectif. Très vite, il est incorporé dans l’équipe fanion qui évolue en Promotion d’Honneur. Autour de notre professeur (le « coach » comme on dit maintenant), Albert Ressouche, nous formions une solide défense.
Mais, je n’aurai garde de ne pas citer les joueurs qui ont le plus souvent composé l’équipe type de 1943 à 1945.
Avec Maurice Daudé nous avons occupé le poste de gardien. En défense, outre Paul Barthès et Albert Ressouche, Marc Blatière, Roger Fromental, Jules Paulin apportaient leur concours. En milieu de terrain, aux côtés de notre entraîneur-joueur Pierre Petit (qui martelait son invariable consigne « Aujourd’hui, il faut bourrer »), s’activaient Jack Charray, Roger Ouvrier, Georges Barlaguet, Marcel Fontaine ; Enfin, René Valentin, Aimé Bastide, René Guy, Léonard Anzalone, Antoine Garcia, René Ressouche, Joseph Bardou, Michel Courtiol, Maurice Nogier, Henri Allen occupaient les avant-postes.
Après trois saisons remarquables au FCV, Paul acquiert une petite renommée et suscite l’intérêt de Nîmes Olympique.
En 1946 deux évènements vont marquer la vie de Paul Barthès.
Et oui, en octobre 1946 Paul se marie avec Amy Martin. C’est aussi l’année où il est recruté par Nîmes Olympique.
Paul et Mimi se sont connus à la coopérative d’alimentation, là où se trouve aujourd’hui le commerce de fruits et légumes de ma petite-fille, à côté du bar des Halles. La coopérative était tenue par Fernande Auzilhon. Mimi travaillait avec elle dans le magasin. Puis, c’est René Chopard qui a pris la suite. (Pour l’anecdote, il était venu faire un remplacement de trois semaines ; il s’y est finalement établi jusqu’à la retraite).
Créée juste après la guerre par Emile Guigou (maire puis premier-adjoint de Robert Gourdon) afin de faire face à la désorganisation économique et sociale du village, la coopérative fonctionnait en complémentarité des « Caisses de Secours » et des « Caisses de retraite » avant la mise en place de la Sécurité sociale.
La coopérative comme les autres commerces s’approvisionnait au dépôt en face la mairie. Les marchandises (denrées alimentaires, fruits et légumes) arrivaient de Nîmes et l’agent de ville, Albert Sode, faisait la répartition. Rien à voir avec le remplissage des caddies au supermarché.
Mais revenons à Paul. Comme je vous le disais, c’est donc à la fin de l’été 1946 que René Dedieu, l’entraîneur de Nîmes Olympique est venu le recruter.
Je laisse le soin à Mimi de nous dire comment tout cela s’est passé :
« Les choses se sont faîtes rapidement. Monsieur Dedieu (entraîneur de Nîmes de 1946 à 1948 puis de l’Olympique d’Alès) lui a fait signer une licence. A cette époque, il n’était pas question de contrat et d’argent. Cependant, le président du FCV, Roger Fulcrand, n’était pas très content de l’apprendre à postériori car il aurait aimé demander une petite compensation pour le club, ce qui se comprend. Nous-mêmes avons un peu regretté que le club local n’ait rien reçu à l’occasion de ce recrutement ».
Voici donc Paul à Nîmes Olympique, en 2ème Division, où, il effectuera six saisons. Ce solide défenseur ne tardera pas à s’imposer dans la grande équipe professionnelle nîmoise avec les Firoud, Dakowski, Rouvière, Makar, Timmermans, Haan, etc…
Au cours de la saison 1949-1950, le club gardois, présidé par Jean Chiariny, chirurgien dentiste, va écrire une des pages les plus glorieuses de son histoire. En 1950, les nîmois, entraînés par Pierre Pibarot, sont champions de France de D2 et accèdent à la Division Nationale. La même année, ils atteignent la demi-finale de la Coupe de France. La défaite contre le Racing club de Paris n’enlève rien à leur performance. L’élimination des Girondins de Bordeaux (4-1) reste un fait majeur de ce brillant parcours. Lors de ce match, Paul qui marquait le redoutable attaquant bordelais, le hollandais De Harder, l’avait complètement muselé, le privant de toute occasion de but. Une prestation amplement commentée le lendemain autour du Griffe.
La carrière professionnelle de Paul s’est poursuivie à l’Olympique d’Alès.
Après la montée de Nîmes Olympique en Première division, la concurrence devient plus rude, Paul rejoint alors l’Olympique d’Alès qui évolue en D2. Maître Jean Sadoul, huissier de justice, en était le président (de 1951 à 1957) avant de présider la Ligue de football professionnel.
Paul joue deux saisons à l’Olympique d’Alès (1953/1954 et 1954/1955). Cependant, il éprouve de plus en plus de difficultés à concilier une carrière de footballeur professionnel avec la responsabilité d’un commerce à Vauvert (En décembre 1951, avec son épouse Mimi, ils ont pris le bar du Caveau). Alors qu’il vient de signer une nouvelle licence, il fait part de son intention d’arrêter son parcours professionnel à Maître Sadoul. Ce dernier qui lui faisait totalement confiance se montre conciliant : « Bon Paul, tu ne veux plus jouer, je ne peux pas t’en empêcher. Mais, c’est quand même dommage. »
Paul revient donc à vauvert et rejoint le FCV. Mais voilà qu’à Alès ça ne marchait pas très fort ; l’équipe enregistrait de mauvais résultats et les dirigeants se faisaient quelques soucis. Jean Sadoul, qui avait de la suite dans les idées et surtout de bonnes relations avec la Fédération, parvient en accord avec le président du club vauverdois, Fernand Saintpierre, à faire annuler la licence et à ramener Paul au stade de la Prairie.
Il effectuera deux saisons supplémentaires dans le club cévenol.
Et, c’est à Vauvert qu’il boucle la boucle.
Que ce soit à Nîmes ou à Alès, sportivement, humainement, Paul a toujours donné le meilleur de lui-même. Mais il portait pour son village un attachement affectif particulier.
Aussi, de 1957 à 1961, il revient à ses premières amours et chausse les crampons encore quatre à cinq saisons. Le Football club vauverdois lui fêtera son jubilé le 12 mai 1962.
(à suivre)