En cette période de crise sanitaire et économique, la préoccupation du nouveau président Etienne Villiet est de pérenniser le syndicat.
« Magali Saumade et son prédécesseur avaient porté haut l’AOP Taureau de Camargue » explique le manadier de Marsillargues, « la filière viande a été touchée de plein fouet en plus de l’arrêt des activités des manades. » Même si l’abattage n’a jamais été l’objectif de l’élevage camarguais et que les manadiers rechignent encore à en parler, ils savent que c’est devenu une finalité incontournable selon lui. Une réalité économique et une nécessité pour réguler le cheptel, délicates à promouvoir mais que l’AOP a permis de valoriser en mettant en avant les qualité de la production.
« Les manadiers se sont rendus compte que cela pouvait leur procurer un réel revenu supplémentaire pour la viabilité de leur manade » poursuit Etienne Villiet. Si la passion des taureaux les a toujours guidés, la raison les a fait s’unir pour valoriser ensemble la viande. « Auparavant, c’était le parent pauvre, on parlait de carnage en fin de saison. Les bêtes étaient abattues toutes en même temps sans se soucier vraiment du prix de vente. » La promotion a démarré doucement mais avec succès. Rapidement, bouchers et restaurateurs se sont intéressés à la chair spécifique, maigre mais riche en qualités nutritives et gustatives, avec un goût typé sans être trop prononcé, persillé, lié au terroir salé et humide avec la biodiversité de la flore.
Une chargée de mission s’assure de la mise en œuvre du cahier des charges contraignant et réalise les contrôles internes. Ils sont complétés par des contrôles indépendants, depuis la reproduction qui doit être naturelle jusqu’à la fin de la filière avec la qualité des carcasses.
Le syndicat regroupe aujourd’hui quatre-vingt adhérents sur trois départements de Camargue et Petite Camargue. « Nous demandons l’extension de l’aire géographique » précise le président, un travail conséquent réalisé avec l’Institut national de l’origine et de la qualité pour rassembler le plus d’éleveurs possibles. « Pour accroître notre force mais également dans un souci de justice » poursuit-il avec l’ambition également de développer une assise commerciale. Le syndicat vit grâce aux cotisations et subventions. Il souhaite que l’ensemble des bénéficiaires de l’appellation cotisent à terme, un des projets poursuivit avec celui de mieux rémunérer la filière qui a fait toutes ses preuves.
Etienne Villiet reste optimiste en cette période difficile avec la réouverture des restaurants et marchés. Les manadiers attendent désormais la reprise des spectacles taurins. « J’espère que les aficionados et les touristes reviendront en nombre pour nous soutenir. »
Origines de l’AOP Taureau de Camargue
1992 voit la création de l’association des manadiers pour la défense et la promotion de la viande de taureau qui se transforme en syndicat en 1996 avec l’obtention de l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). « C’est un exploit en quatre années seulement !» explique Jacques Blatière. Le manadier des Iscles à Gallician (Vauvert) a été le premier président jusqu’en 2001. « Au départ les éleveurs n’étaient pas très chauds » se souvient-il. Lui était favorable dès le départ, conscient que les autres activités des manades étaient devenues moins rentables. « Ce n’est pas notre objectif final mais cela met du beurre dans les épinards. Maintenant ils sont contents ! » Une autre petite révolution a suivi avec l’obtention de l’appellation protégée. Le nom de la race du taureau a du être modifiée, Taureau de Camargue étant réservé à l’AOC. « Nous avons choisi « raço di biòu » pour nommer nos taureaux. »
Si l’association rassemble également metteurs en marchés, bouchers, restaurateurs et abattoirs, elle a toujours été présidée par un manadier. Magali Saumade a pris la suite de Jacques Blatière puis en août 2019 Etienne Villiet.
Nathalie Vaucheret
- AOC : Appellation d’Origine Contrôlée – Obtenu en 1996, le label permet d’identifier un produit.
AOP : Appellation d’Origine Protégée – C’est le label équivalent au niveau européen.