« …Ouvert sur la lagune qui était alors navigable, Le Cailar se trouve à l’extrémité occidentale du Delta du Rhône, dominant l’espace que l’on appelle aujourd’hui la Petite Camargue, et servant de port pour l’ensemble du Languedoc oriental, de la Vaunage à laquelle Le Cailar est relié par le Rhôny, à la région nîmoise à travers la vallée du Vistre. Le comptoir a été installé au confluent de ces deux fleuves, sur une petite éminence naturelle.
« Les vestiges archéologiques fouillés au Cailar témoignent ainsi de très nombreux échanges avec les Grecs installés à Marseille : produits grecs, étrusques, romains, y parviennent en abondance. C’était le port lagunaire du Languedoc oriental au temps des Gaulois, avant que la lagune s’envase et que la mer recule jusqu’à Aigues Mortes au Moyen Âge, puis jusqu’au Grau du Roi à l’heure actuelle. »
Mais depuis, le Vistre a continué à traverser le village et en particulier avec un bras dévié passant sous la passerelle – les anciens s’en souviendront : ils venaient s’y baigner – puis sous le moulin pour y alimenter le port. Un bras de ce Vistre sera même dévié sur le lit actuel du Rhôny pour le remonter dans le sens inverse et irriguer les terres situées au nord du village. A l’époque, le Rhôny se perdait dans les terres et ne traversait pas le village comme aujourd’hui.
Un port au village ? Quel intérêt ? En fait, il faut remonter à l’époque où les morutiers de l’Atlantique venaient faire le plein du sel d’Aigues mortes et constituaient escale au Grau du Roi. En contrepartie, ils y débarquaient le poisson chargé cette fois à bord des « plates », ces embarcations courtes et de faible tirant d’eau qui pouvaient, avec leur chargement de morues, remonter ainsi le Vistre navigable jusqu’au Cailar.
Là, sur le port, la morue était débarquée à nouveau pour y être chargée à dos de mules au niveau de l’actuel chemin des aires, seul promontoire non inondable du village à l’époque. La morue y était ensuite véhiculée jusqu’à Nîmes pour y assurer ce qui en deviendra une spécialité culinaire bien connue : la Brandade de Morue.
Situé au pied du moulin, le port du village connaît alors un essor économique certain et devient très vite trop exigu pour y manœuvrer convenablement. Les bateliers de l’époque se manifestent même de façon véhémente et revendiquent tous ensemble un agrandissement de ce port aux enjeux économiques évidents. Il faudra que le Cardinal de Richelieu se déplace lui-même localement pour autoriser l’extension des infrastructures locales. Les Archives Départementales du Gard relèvent d’ailleurs une trace de son passage au moulin.
Mais au-delà de cet épisode plutôt historique et reprenant l’Histoire même des vestiges gallo-romains, mentionnés au tout début de l’article, lorsque l’actuel propriétaire du Colombier Cailaren, le mas situé tout à côté du moulin, décide de recréer sur sa propriété l’ancien passage du bras détourné du Vistre en creusant l’étang actuel qui jouxte ses colombiers, il retrouve aussi les vestiges venant témoigner d’une réelle activité portuaire de l’époque gallo-romaine : morceaux de carrelage, culs d’amphore, etc…
Conscient d’une réalité ancienne, il décide alors de soumettre ces quelques vestiges à l’Association Littoraria. Et le diagnostic ne tarde pas à tomber : ces vestiges datent bien de l’époque de Carthage, preuve s’il en était d’une véritable activité commerciale et de très nombreux échanges avec les Grecs installés à Marseille : produits grecs, étrusques, romains, qui y parviennent en abondance.
Avec le concours de Paul-Edouard Despierres