You are currently viewing À Générac, la sabreuse de rubans perpétue un savoir centenaire

Avec des origines italiennes et cévenoles, rien ne prédestinait Annie Astier, aux us et coutumes du costume féminin du pays d’Arles.

D’ailleurs elle me confie qu’elle est tombée dans la marmite tardivement … vers vingt ans, en intégrant tout d’abord différents groupes folkloriques et en s’enrichissant au fil du temps de rencontres avec des historiens du costume.

C’est alors un rêve d’enfant qui s’est réalisé :

« Quand j’étais petite, mon papa m’emmenait avec lui voir des courses de taureaux et j’étais chaque fois subjuguée par ces belles dames d’Arles et leurs tenues d’exception. Je me suis promise qu’un jour je serai vêtue comme elles ».

Dans le costume d’Arlésienne, tout est symbolique avec une grande attention portée au détail, souligne-t-elle. Il est désormais inscrit au patrimoine culturel immatériel.

C’est dans le ruban de velours de soie, pièce maîtresse de la parure des coquettes, qui orne la coiffe, qu’Annie s’est spécialisée.

Selon les époques, autrefois 150 cm, de nos jours 102 cm, cela représente la longueur de tissu nécessaire pour faire deux tours autour du peigne qui soutient la coiffe, et ainsi enrouler l’étoffe doublement tissée, piquer les épingles et faire en sorte que le bout du ruban (le guidon) vole au vent.

Dans cet univers très codifié, le ruban est bleu marine avec des dessins noirs pour la coiffe de « tous les jours ». C’est la plus résistante des teintes naturelles qui ne s’affadit pas aussi rapidement au soleil, c’est aussi la couleur noble, celle qui est associée au divin et aux cieux.

Les rubans de couleur chatoyante ne sont portés que pour les grandes occasions où l’apparat occupe une importance particulière.

Il est également noir uni avec une étoffe ordinaire et un aspect plus grossier pour marquer le deuil.

Véritable symbole de la condition sociale, plus le ruban était beau, plus l’Arlésienne était riche.

Mais voilà, ces rubans centenaires se faisaient rares, victimes de l’usure du temps, des coups d’épingles et du soleil brûlant et comme l’offre était maigre, la demande était grasse, quasi inaccessibles pour les jeunes filles qui délaissaient la coiffe de Mireille (la cravate), si ce dernier n’était pas transmis.

Afin de parer les jeunes filles de 16 ans lors de la célèbre Festo Vierginenco et permettre aux coquettes de renouveler leurs tenues, Annie et un groupe d’amies, attachées à l’art de s’habiller comme les femmes de jadis, ont alors tout mis en œuvre afin de perpétuer et transmettre le savoir artisanal de la confection du précieux « diadème ».

Cependant pour mieux comprendre l’histoire du ruban, il faut s’éloigner du Delta du Rhône, pour la région stéphanoise, fleuron industriel de la rubanerie, des armes et du vélo.

C’est là que l’on trouve l’origine de la fabrication du ruban et les détentrices d’un savoir : les sabreuses.

En effet, dans un temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître, les rubans étaient tissés dans la région de Saint-Etienne et les « faiseurs de mode » issus des Beaux-Arts, créaient les dessins à la demande des « gens d’Arles ».

C’est donc tout naturellement à la source du savoir, au plus près de la capitale de la soie, qu’elle s’est dirigée.

Les établissements Julien FAURE, passementier veloutier depuis 1856, installé à Saint-Just-Saint-Rambert (42) et spécialisés dans l’industrie du textile de luxe, tissent désormais les rubans d’Annie sur un vieux métier remis en route et adapté à cette identité locale.

Aucune place à la créativité et à l’approximation concernant le dessin, tout est reproduit à l’identique des rubans d’autrefois et les archives sont inexistantes.

Alors munie de la confiance de ces pairs, certains de ces trésors sont confiés à Annie et le tisserand copie les dessins avec les techniques d’aujourd’hui.

Photo © Photo Eric Blanc 2018

Quand on observe de plus près les dessins qui ornent le ruban en fibre de soie, l’on y découvre la finesse et la richesse des croquis, composés essentiellement de guirlandes florales (iris, muguet, fleur d’acanthe) mais aussi de fruits (ananas), d’animaux (oiseaux, lézards, taureaux, papillons), de blasons de famille et même une tête d’indien me confie Annie d’un œil rieur.

Outre le dessin, le respect des couleurs est essentiel, crucial comme elle me le rappelle, car il faut tenir compte du tissage de velours noir qui assombrit l’étoffe.

Une fois tissée, il reste à ces pièces de tissu un dernier traitement : le découpage du velours ou sabrage et c’est là que les doigts de fée d’Annie interviennent.

 Il s’agit de couper les fils noirs du dessin afin de faire ressortir les motifs veloutés, leur donner du relief.

Là aussi la technique est transmise par des sabreuses stéphanoises dont deux des meilleures ouvrières de France. Tel le sachant et l’apprenant : Annie a appris le sabrage.

Car plus d’école pour apprendre à sabrer, c’est un savoir qui se transmet par voie orale.

A mains nues pour mieux sentir l’étoffe, munie de son scalpel et de son cuir, sur un tréteau de fortune aménagé par son époux, à travers une imposante loupe, Annie me fait une démonstration de son art.

Le geste est minutieux, concentré car avec l’objet tranchant l’accident est vite arrivé.

Pour sabrer un mètre de tissu, comptez à peu près huit heures de travail et de minutie, selon la richesse des dessins et des courbes.

Annie s’est vue récompensée, non sans grande fierté, du label d’Artisan d’Art car ce métier est inscrit au ministère de la Culture.

 De la dextérité mais pas que… astucieuse aussi ! Grâce à ses longues années d’expérience, elle a eu l’idée de faire imprimer une seconde demi-lune (dessin qui termine le ruban) afin de faire perdurer l’étoffe des épingles.

La sabreuse de ruban racanelle a donc su s’adapter au monde d’aujourd’hui et c’est ainsi que vous pouvez découvrir toutes les collections d’Annie et liker ses posts sur sa page Facebook « L’ATELIER VELOURS DE SOIE » ou la contacter au 06.21.17.96.39

On aurait pu citer une célèbre phrase provençale de Frédéric Mistral après ma rencontre, car tout chez Mme Astier transpire la « fé », la passion du costume et de la tradition locale.

 Mais l’idée qu’il me vient c’est que : les artisans de nos villages ont indéniablement du talent !

Cendrine Touzellier

Native de Beauvoisin, je suis aussi très proche du village voisin Générac, village de naissance de mes quatre enfants. Amoureuse de la gastronomie de notre terroir et curieuse des lieux ,des arts, des lettres et des artisans qui font l'identité locale de notre belle région. Par ma participation à Voir Plus, c'est la transmission aux futures générations du savoir-être et du savoir-faire de notre territoire que je souhaite.
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