Quand on parle courses camarguaises, on parle taureau et raseteur et on oublie que le Public fait aussi partie de la course. Homme ou femme, jeune ou vieux, la course camarguaise engrange un public hétéroclite. Un mélange de génération, avec les « de mon temps !!! » et les « maintenant »… Un amalgame familial, chacun apportant de l’eau au moulin de l’autre. Tous se retrouvent sur les gradins supportant la chaleur ou le froid, supportant l’attente, et qu’elle est longue parfois l’attente… Ah ! Ces ouvertures de portes ! Agglutiné, le public attend maudissant le responsable des arènes de les faire souffrir. Enfin ! Le public ne va pas les démolir ces arènes, et puis parfois la fouille qui s’y met, double colère !
Ce public génère différentes attitudes. En premier lieu passons sur les touristes venus là en dilettantes et se comportant selon les dires des gens du pays et voyons 3 catégories.
- Le touriste venu là pour voir et au 3ème taureau n’ayant rien compris, ne voyant que des hommes qui courent après la bête se dégage des gradins,
- Le touriste qui veut comprendre, s’emmêle les pédales et ressort mi-figue mi-raisin,
- Le touriste attentif aux réparties qu’il entend autour de lui, commence à s’imprégner de la course. Celui-ci reviendra juste pour se conforter dans son ressenti.
Et puis et puis le summum du public ! Les AFECIOUNA, Les purs, les durs qui dès le matin se présentent aux portes des arènes, placent leur chaise dans l’attente de l’ouverture et la longue, très longue journée commence.
Ils veulent pouvoir se placer dans des points stratégiques, pour voir, entendre, humer la piste.
Pour cela, ils sacrifient tout ; la visite du village, le coup à boire, pour être au plus près de leur royaume, la piste. Là, bien campés dans leur fauteuil, chapeau vissé sur leur tête, glacière à portée de main, ils attendent… Les pieds enflent, la soif se fait sentir, et la chaleur ou le froid casse cette attente qui se fait ardue.
Certains essaient bien de les déloger mais non, ils sont et restent, assistent parfois selon les arènes au débarquement des bêtes, à l’arrivée des raseteurs. Ils refont la course du dimanche précédent, calculent les points, les possibilités de chaque raseteur, de chaque taureau, montrent leur enthousiasme, ou leur déception, prennent à partie le pauvre quidam qui aura osé critiquer qui du taureau, qui du raseteur.
Parce que dans ses férus, il y a deux sortes d’afeciouna ; les pro- taureaux et les pro- raseteurs. Alors là ! Crime de lèse Majesté ! Pour l’un c’est le raseteur qui fait le taureau, pour l’autre c’est le taureau qui fait le raseteur et heureusement pour certains, l’un ne va pas sans l’autre d’où échange de point de vu corsé, chacun restant sur sa position.
Pendant la course, mélange de joie, de cris, de colère, de déception, d’encensement. L’entracte n’est pas fait pour soulager les plaies de l’âme ! L’Afeciouna sent la course, il la hume, espère un changement de situation, en sa faveur, en sa défaveur ! À la fin, il s’imprègne de la gagne ou de la perte de son favori ; et l’âme en joie ou en peine, il relance la course sur le parvis des arènes avant de rentrer chez lui, éreinté, de se ressourcer et de revenir dans les mêmes dispositions le dimanche suivant .
Un public acquis à son mode de vie, à sa passion, à sa région, à ses envies, prêt à tous les sacrifices, pour vivre le moment présent, juste ce moment de gloire entre le taureau et l’homme.
Pendant 9 mois, il vit au rythme des courses, oublie les à côtés pour s’imprégner de moments forts, quand le temps de pause se fera pendant l’hiver. Il re-visionnera, relira, refera la course et attendra que le mois de Mars pointe son nez pour repartir vers sa passion avec autant de fougue, d’espoir et de vie.
Un public à respecter car une course sans public est une course sans passion…
« Le Public a sa part dans la grâce ; il est la chair de l’émotion »
« Sans Public la course Camarguaise n’est rien ».
Le public fait abondance dans les traditions, la vie du territoire, il fait partie d’un tout ; il est un maillon de l’âme de la Course Camarguaise.