You are currently viewing <i>Taureaux de légende</i> <strong>Vovo</strong>
Vovo dans les arènes de Nîmes le 4 mai 1952

Dans la continuité des taureaux de légende, je vous conte l’histoire de Vovo, taureau de la manade Aubanel. Sa statue trône sur le parvis des arènes des Saintes-Maries de la Mer. J’ai essayé de m’imprégner de sa vie en regardant des vidéos, en lisant des reportages, en écoutant des récits à sa gloire. Le voir et le ressentir autrement que comme un casseur de planches. Je vais là aussi lui laisser narrer son histoire.

Collection particulière M.T.

Collection particulière M.T.

« Je suis né une nuit de Noël 1944 sous un ciel étoilé dans la plaine du Clamadou dans un coin retiré de ma Camargue, là où le vent emporte les senteurs de la mer, là où les enganes, les roselières cachent aux yeux indiscrets une faune et une flore à nulle autre pareilles, là où la liberté est reine, une Camargue que j’ai tant chérie tout au long de ma vie. J’ai toujours eu le besoin de retourner sur cette terre de légende, cette terre qui vous prend, que l’on hume, que l’on sent et qui vous imprègne à jamais. Combien de fois me suis-je enfui pour rejoindre cette terre, ma terre celle qui m’avait vu naître, cette terre qui est mienne.

Ma mère Gyptis de la manade Aubanel avait cet esprit rebelle, aventurier. N’est-elle pas allée chercher et ne s’est-elle pas offerte à Prouvenço, le mâle étalon de la manade Raynaud, défiant les femelles du cheptel et s’imposant par son courage, sa détermination à avoir un fils d’un grand étalon ? Je pense avoir gardé d’elle son indépendance, sa détermination , à ne vivre qu’en liberté dans ma chère Camargue et peut être de mon père ai-je pris son caractère entier, brutal. Mais mon caractère s’est affiné tout au long de ma vie ; J’appartenais à la manade Aubanel mais je suis né sur les terres de la manade Raynaud et pendant la guerre, j’ai même été pendant un laps de temps hébergé à la manade Laurent. Cela a dû contribuer à faire de moi un déraciné, un rebelle et l’on dit un méchant, mais l’étais-je vraiment ? J’avais mes sautes d’humeur, je cherchais noise à qui entravait ma route; les chevaux en faisaient les frais, je n’hésitais pas à les piquer de mes cornes.

Il a fallu à un moment entrer dans l’arène, montrer de quoi j’étais capable, montrer mon courage, ma sauvagerie. Pendant des années, mes cornes se sont émoussées sur le bois des barrières, mon poitrail les a brisées; Peu de raseteurs ont osé m’affronter, Martin, Falomir, Petit Jean, Volle, Lucas, Fidani….n ‘ont eu de cesse de s’élancer à ma tête… Leur gloire avait sonné sur mon nom Vovo.

18 000 spectateurs à Nîmes ce 11 novembre 1952 pour me voir officier. On dit de moi que je fus sensationnel, les primes s’envolaient, je tins tête aux raseteurs, ne refusant aucun appel, mes coups rageurs emportaient les planches, mon poitrail, ma tête cassait, brisait le pourtour de l’arène; la foule était en liesse et clamait sa joie; moi, je faisais mon travail et je voulais laisser une empreinte à jamais dans l’histoire de la bouvine. Cette course fit de moi, le plus grand, le plus fort, le plus méchant de tous les taureaux du moment. Ce fut mon triomphe, je dis bien mon triomphe car c’est moi et moi seul qui y ai contribué en me donnant, en me lançant en m’oubliant pour la joie des spectateurs.
J’avais tout donné, j’étais épuisé, mon corps me faisait mal, j’étais brisé, et le déclin est venu, lentement ; que peut on faire avec un corps brisé, on a même dénombré 14 fractures sur ma tête; je fus remis aux prés.
J’étais solitaire et malade, mes cornes émoussées, mon poitrail affaibli, je ne pouvais plus suivre le troupeau et une nuit de novembre 1959, une nuit d’orage, quand le ciel est bien bas, quand la pluie s’abat et lave la terre, je me suis étendu après avoir humé une dernière fois les senteurs de la Camargue, la tête tournée vers les Saintes, je me suis endormi à jamais.
Je suis mort, oublié, seul… c’est peut être le destin des grands héros.

En 2010, une statue fut érigée sur le parvis des Saintes-Maries de la Mer qui enfin me reconnait et m’honore et perpétue ainsi mon histoire.
Quand vous passez, regardez-moi autrement, pas comme un briseur de planches mais comme un taureau de race, un taureau de liberté, un taureau de Camargue. »

Marie-France Sabatié

Passionnée de bouvine, je partage par l'écriture mon ressenti, ma passion sur ce qui fait la richesse de ce terroir, courses camarguaises, traditions, manades, ...
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