On peut être branché musique techno et s’inspirer naturellement du savoir-faire ancestral pour la conduite du vignoble. Allier la modernité et la tradition, c’est ce que fait au quotidien, Brice Bolognini, fan d’electro, passionné par son métier de vigneron. Installé depuis 2003 au mas Mellet, sur le versant sud des Costières de Nîmes, converti à la biodynamie, il recherche la précision des gestes vignerons d’antan.
Il a toujours baigné dans l’univers viticole. Son grand père était vigneron dans l’Hérault, il a préparé un BTA (Brevet de technicien agricole) à Rodilhan et pour son bac pro, a effectué un stage en Costières, au Mas Neuf. Mais ce n’est qu’à l’occasion de son premier emploi au Pic Saint Loup qu’il à commencé à découvrir les pratiques agricoles raisonnées et à s’inscrire dans une démarche de développement durable et responsable.
Ils ont 25 et 23 ans, lorsqu’avec sa femme, Emilie, ils décident de s’installer sur le secteur Vauvert- Gallician avant de tomber sous le charme du domaine du Mas Mellet.
Le mas Mellet : un vrai coup de cœur
Natif d’Aigues-Vives, j’adorais ce secteur des Costières, Petite Camargue, proche Camargue. Sur les Costières, c’est doucement vallonné, on a l’influence des marais qui est significative sur nos terroirs et une identité assez marquée. On cherchait une propriété qui était un peu dans son jus, qui avait conservé ses origines, ses caractéristiques. On a eu un vrai coup de cœur pour ce domaine qui appartenait à la famille Bouzanquet depuis plusieurs générations. Cette vue magnifique sur les vignes, les étangs et les marais ! L’accueil des gens du village… Voilà, on est tombés sous le charme. Nous avons trouvé un accord avec Christian Bouzanquet et depuis une vingtaine d’années, nous sommes installés ici.
Quand ils en prennent possession, la propriété comprenait 27 hectares dont une vingtaine en production, 2 à 3 hectares de bois, un bâti, (habitation, dépendances, cave particulière). Ça faisait une quinzaine d’années que les propriétaires avaient arrêté de faire le vin directement au mas, ils emmenaient tout à la cave coopérative de Gallician.
Nous avons acheté en 2002 et avons emmené la récolte à la cave coopérative de Gallician. Mais l’année suivante, nous avons commencé à faire nos premiers vins ici.
Première étape : la restructuration du vignoble
Le vignoble au départ se composait essentiellement de vieilles vignes, plantées au carrément (1 mètre sur 1 mètre). La priorité pour Brice Bolognini, c’est alors de restructurer le vignoble pour pouvoir le mener à sa main.
C’est vrai que mécaniquement, c’était difficile de travailler. Les vignes étaient plantées 1 m sur 1 m et on ne pouvait travailler qu’avec les tracteurs enjambeurs. Comme en Bourgogne. C’était un peu dangereux. Et dans les penchants, on s’est fait une paire de frayeurs. Du coup, on a arraché pas mal et on a fait une campagne de replantation. On a replanté des cinsault, grenache, un peu de syrah, des blancs – parce qu’il n’y avait pas de cépages blancs – et on continue de replanter chaque année.
L’idée, c’est de planter des cépages endémiques du secteur et de les planter en gobelets. Le cep a une belle forme de coupe – d’où son nom. Je ne veux plus de palissages, je ne veux plus de piquets, de fils de fer. Je veux juste le cep sans rien qui interfère autour. Du coup l’année dernière, on a planté des « Aramon », là, on va planter des carignans blancs, l’année prochaine des « Terret Bourret », des « Bourboulenc ». On ne plante que des vieux cépages.
Afin de créer des réservoirs de biodiversité, de protéger les sols contre l’érosion, de modérer les effets du climat, Brice Bolognini entreprend de planter des haies entre chaque nouvelle parcelle de vigne, renouant ainsi avec la pratique de l’agroforesterie. L’hiver, il met ses terres en pâturage.
Pour toute nouvelle parcelle, on plante de la vigne et on plante une rangée d’arbres. On fait de moins en moins de monoculture. La base de la biodynamie, c’est d’avoir une diversité de cultures et de remettre du bétail dans les vignes, également.
Le bétail, moi, j’ai Jimmy Felon qui vient tout l’hiver. Il va arriver en décembre. On clôture et on met ses moutons tout l’hiver sur le domaine. Et après, on refait des plantations d’arbres. On met des arbres d’ornement, on plante quelques mellifères pour les abeilles, on a planté des mimosas, plaqueminiers, oliviers, grenadiers, figuiers. Voilà, on plante une multitude d’arbres dans les allées Et on va pouvoir les récolter. Cette année, on va planter une cinquantaine de grenadiers. On diversifie un peu.
Aujourd’hui le domaine fait 20 hectares dont 13 hectares en production. Il comprend :
– 6 ha de carignan (C’est un peu l’identité de la région. Les plus vieux ont été plantés en 1946).
– 3 ha de grenache
– 2,5 ha de syrah
– 1 ha de cinsault
– 1,9 ha blancs – grenaches blancs, roussanne, vermentino, viognier, 60 ares de cinsault et 40 ares d’aramon nouvellement plantés vont entrer en production en 2022.
Comment devient-on vigneron bio ?
Dès leur installation en 2003, Brice Bolognini et son épouse adoptent naturellement les pratiques culturales de l’agriculture biologique. Ils connaissaient déjà beaucoup de viticulteurs qui travaillaient dans l’esprit du bio sans pour autant en revendiquer le label.
Quand nous nous sommes installés sur le domaine, avec ma femme nous nous sommes d’abord préoccupés de notre propre santé. Nous vivons ici, l’été nous mangeons dehors, la première souche est à 10 mètres de notre terrasse. La chimie, ma femme et moi n’étions pas trop fans, du coup, on a exclu tous les intrants chimie au vignoble depuis 2003.
Faire du bio, c’est une autre façon de travailler, un autre rapport au terroir.
L’agriculture biologique représente aujourd’hui 15 % du vignoble français. Elle impose des règles de conduite plus strictes à la vigne mais aussi à la vinification. Les pesticides de synthèse sont strictement interdits et les doses de soufre maximales sont bien plus basses qu’en agriculture conventionnelle. Pour privilégier la vie micro-organique et microbienne des sols, le viticulteur utilise des produits naturels et privilégie la lutte naturelle entre les insectes et la biodiversité.
Depuis 4 on 5 ans, Brice Bolognini travaille davantage sur les bases de la biodynamie. Il s’agit d’une méthode qui préserve l’environnement en recourant à des fertilisants naturels, des extraits de plantes et des poudres de roche. Elle vise à véritablement soigner la terre, organisme vivant à part entière, en considérant qu’il est nécessaire de soutenir et de redonner au sol sa vitalité féconde.
Travailler en biodynamie, c’est aussi respecter les cycles végétatifs de la vigne en s’inspirant d’un calendrier lunaire.
Aucun entrant chimique, on travaille le sol et on traite sur les bases de la biodynamie : un peu de soufre, un peu de cuivre et pas mal de préparations à base d’osier ou de prêle. L’osier a un côté systémique contre le mildiou. On utilise aussi un peu de poudre de silice pour sécher et durcir la peau du raisin.
On met très peu d’engrais, on a déjà les moutons qui paissent l’hiver. On fait quelques fumures mais une fois tous les deux ans. On travaille les sols de moins en moins, on évite les passages de tracteur inutiles sur les parcelles. On laisse l’enherbement naturel. On veille enfin à la maîtrise des rendements. L’appellation Costières de Nîmes nous autorise jusqu’à 60 hectolitres / hectare, on préfère plutôt limiter autour de 35 hl. Ma philosophie, c’est de respecter les sols d’abord, les vignes, les raisins, les vins.
Autour de Brice, une petite équipe de quatre personnes s’active toute l’année sur le domaine du mas Mellet. Son épouse qui s’occupe de l’administratif et du commercial, un employé à plein temps et un jeune qui prépare un BTS en alternance. Ils sont tous polyvalents, du tracteur à la taille, de la vinification à la mise en bouteille et à l’étiquetage. Les vendanges se font manuellement. Dix coupeurs, des jeunes de Vauvert, de Gallician, des étudiants.
On vendange à la main avec sécateurs et seaux. Une personne sur la benne, vide dans des caisses. Les caisses sont emmenées et mises au moins une nuit au frigo afin de descendre les raisins à 8, 9 degrés. Après, le lendemain, on travaille en macération, grappes entières.
Les 400 à 600 hectolitres produits chaque année, suivant les millésimes, sont vendus essentiellement en bouteilles aux cavistes, épiceries fines, restaurants et à l’export.
On vend 50 % de notre production à l’export (Japon, Europe, Pays-Bas, Allemagne, Belgique, Suisse, Italie, Espagne, Etats-Unis).
Le millésime 2021 ne sera dévoilé qu’en avril 2022. Mais déjà, Brice Bolognini a sa petite idée sur ses caractéristiques.
Comme on travaille assez naturellement, avec des levures indigènes, on retrouve les caractéristiques d’un même terroir. On est sur des vins un peu moins solaires, un peu moins riches que les années précédentes. Avec un peu moins d’alcool, un peu moins de concentration. Des vins plus équilibrés. On essaie de préserver le caractère fruité du vin ainsi que la finesse des tanins.
Dans l’ensemble le millésime 2021 s’est bien passé. Les aléas de la météo et le gel du printemps n’ont pas eu de trop lourdes conséquences, les pluies d’été, juillet et août, ont fait du bien au vignoble. Pour autant, le changement climatique constitue une réalité qu’il est difficile d’ignorer. Brice Bolognini reste persuadé que la biodynamie avec la diminution des intrants, les pratiques culturales respectueuses des sols et la plantation de cépages anciens, plus résistants à la chaleur, rendront la vigne plus robuste et permettront au terroir d’exprimer ses richesses, ses particularités.
Domaine du Mas Mellet
Chemin des salines
30600 Gallician
https://www.facebook.com/masmellet Tél : 04 66 51 95 05