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Jacques Blatière : Mes souvenirs de Bouvine

Légendaire Gandar

S’il est un évènement qui a profondément marqué l’histoire de la manade et qui laisse une trace impérissable chez Jacques Blatière, c’est bien l’accident du 25 septembre 1950 à Vauvert.

Cette année-là, la royale de Blatière tient le haut du pavé et a conquis le cœur des afeciouna de Provence et du Languedoc.  Depuis 1947, sa renommée n’est plus à faire. Si Vanneau en est le cocardier vedette, le jeune Gandar fait déjà valoir ses galons d’espoir numéro 1 et se hisse au sommet. Les autres taureaux qui composent la course tiennent chacun brillamment leur place.

Enfant, le soir à l’heure du repas, Jacques Blatière égrenait les noms des cocardiers dans l’ordre de sortie. Trois quarts de siècle ont passé, sa description de la royale n’a pas pris une ride.

Guy Roca pour Voir Plus

Mioche sortait en premier. Un beau taureau, un peu lourd mais assez vaillant. De la solidité, de la combativité : les critères d’un premier. On ne lui demandait pas de faire des coups de barrière, on lui demandait de résister aux assauts des raseteurs. Il devait affronter 25 hommes en piste lors des grandes courses.

Ensuite, venait Vauverdois. Un taureau plus fantasque, qui faisait un peu la barrière. Un coureur qui se déplaçait, fatiguait les hommes en blanc puis se calait à la planche. Lui aussi, c’était du solide.

Après sortait Mécano. Un cocardier au sens où on l’entendait autrefois. À savoir, un taureau qui se plaçait et qui demandait à être raseté de près. Ce que faisait très bien Lucien Volle. Si tu passais à cinq ou six mètres, Mécano ne venait pas. Mais quand il venait, la poursuite était dangereuse et il accompagnait jusqu’à la planche.

Après, il y avait Vanneau. Vanneau, c’est celui qui est mort dans l’accident. J’avais 9 ans. Je m’en souviens  de Vanneau. Ce que j’ai vu, ce que j’ai lu, ce qu’on m’a dit, c’était un cocardier brillant, barricadier, dangereux à la planche, bien placé.
Vanneau, à Arles en 1948, il avait fait une cocarde d’Or assez extraordinaire.

Jacques consulte les articles de presse de l’époque :
« Vanneau, au dessus du lot, fut supérieur avec une quinzaine de coups de barrière remarquables. Escrimant chaque fois dangereusement… brillantissime ».

Le cinquième, c’était Gandar. Gandar, c’était l’espoir. C’était le plus jeune de la course. Il avait des qualités certaines, il avait de l’abattage. Vigoureux, solide, un grand taureau  pas joli morphologiquement parlant qui se déplaçait, surveillait et réagissait vivement. Quand on le taquinait un peu trop, quand ça chauffait, il était là à répondre avec beaucoup de promptitude et de dangerosité. Il était grand, tout dégingandé, on aurait presque dit un cheval mais il avait la foulée assez ample et quand il venait, il venait fort.

Enfin, en sixième sortait Caraque. C’était un taureau vaillant qui finissait la course par quelques actions spectaculaires. Peut-être moins solide que le premier mais brillant dans ses finitions.

Je parle là de la course type de la manade Blatière qui était une des plus réputées mais les critères de sortie des cocardiers étaient les mêmes dans les grandes royales de l’époque.

Gandar sur Ginoux à Lunel en 1949

L’accident de Vauvert, le 25 septembre 1950

Cette course de Blatière, donc, était à l’apogée de sa renommée depuis deux ou trois ans. La plupart des cocardiers qui la composaient, Mioche, Mécano, Vanneau, au sommet de leur carrière. Gandar était le plus jeune, il avait 8 ans. Il s’était révélé le 11 novembre 1946 au Jeu de Ballon à Vauvert et l’année suivante plus particulièrement au concours de manades du Cailar.

La course qui vient de se dérouler ce lundi 25 septembre 1950 devant un public enthousiaste dans l’amphithéâtre nîmois a remporté un grand succès. Les As de la manade des Iscles, Mioche, Lebret, Mécano, Vanneau, Coulobre, Gandar ont une fois encore confirmé leur réputation.

C’est sur le chemin du retour, à l’entrée de Vauvert, au passage à niveau, vers 19 heures que se produisit le terrible accident qui secoua le monde de l’aficion et changea définitivement le destin de Gandar.

Sous une pluie battante, au moment où le char conduit par mon oncle Frédou franchissait la voie de chemin de fer, la micheline qui venait de Nîmes entra en collision, heurtant violemment le camion qui ramenait les taureaux. Le choc fut effroyable et si par miracle il n’y a pas eu de victime humaine, on ne peut pas en dire autant côté cocardiers. Vanneau et le simbèu Gàrri y laissèrent la vie, Gandar, on connait la suite, y perdit sa corne droite.

Si je n’ai pas été témoin direct de l’accident, je me souviens comment nous avons appris la nouvelle juste après le terrible évènement. À l’époque, il n’y avait pas les portables. Mon oncle et les gardians ont dû se précipiter chez Albert Marc, le marchand de chevaux du Grand chemin (la rue de la République à Vauvert) pour téléphoner à Vergèze.

L’annonce de la collision nous plongea dans une grande désolation.

L’état du char à la suite de l’accident

Sur place, l’image de la caisse du camion disloqué, à l’écart des rails, témoigne de la violence du choc. Les bêtes rescapées ont été ramenées ou ont rejoint seules la manade après des heures d’errance. Gandar, récupéré par le gardian André Blaquière le lendemain dans les près du Cailar fait peine à voir. La plaie ouverte au niveau du moignon sanglant ne manque pas d’interroger sur la gravité de la blessure et sur ses conséquences. Comment sera-t-il après l’accident avec cette corne cassée ?

Après des mois de soins intensifs permanents, le cocardier reprend des forces, la plaie cicatrise, il semble retrouver le moral. Son retour en piste est programmé avec la royale à Lunel en avril l’année suivante. Une reprise très attendue qui apporta une belle lueur d’espoir à ses propriétaires et à ses supporters.

Le Biòu d’Or

La suite de sa carrière déjoua les plus pessimistes diagnostics. Non seulement il continua de s’imposer par ses qualités physiques, son moral à toute épreuve, son sens du placement, mais son intelligence singulière  lui permit de faire de son unique corne une arme redoutable. Les meilleurs raseteurs du moment en firent tous les frais. Les gauchers en particulier.

Le point d’orgue de cette grande carrière fut peut-être sa prestation à la Cocarde d’Or en 1953 où il effectua une course mémorable. Je cite le chroniqueur du Provençal, Mario : « Cette longue carrière a trouvé son apogée en 1953 à la Cocarde d’Or, en Arles, au cours d’une course, que Gandar rendit au plus haut point spectaculaire par des actions inégalables ».

Aussi, fort logiquement, cinq ans après l’accident, en 1955, au terme d’une saison magistrale, Gandar se vit décerner le titre du Biòu d’Or. Le premier taureau à recevoir cette récompense en solo. C’est le seul taureau que mon grand-père, mon père et mon oncle, ont décidé d’inhumer en terre des Iscles, berceau de la manade. Tout un symbole !

Statufié à Vauvert

En 2000, la ville de Vauvert à l’initiative du maire Guy Roca et de son premier adjoint, Émile Grande, a érigé une statue à sa gloire.

Gandar, statufié, trône désormais sur le rond point de la Condamine, place de l’Aficion. Il symbolise l’attachement des habitants de la commune à la bouvine et aux traditions camarguaises.

Vauvert, la place de l’Aficion en 2022

PS – Une cuvée spéciale Gandar

Depuis 2002 une cuvée spéciale de la cave de Gallician lui est dédiée.

Photos : Merci à Jacques Blatière et à Émile Grande pour leur participation à l’illustration de ce texte.

Mes souvenirs de bouvine – Première partie
Des plans de charrettes à Vovo, le révolutionnaire

Guy Roca

Avec quelques amis intéressés par l'écriture, la photo, la vidéo, les nouvelles technologies de la communication, nous avons créé Vauvert Plus en novembre 2010. Avec la même passion, la même ardeur, la même ambition, je participe aujourd’hui à la belle aventure de VOIR PLUS, le journal numérique de la vie locale et des associations, de l’actualité culturelle et sportive en Petite Camargue.
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