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De la « course libre » à la création du Trophée taurin

Aujourd’hui avec Jacques Blatière nous allons parler de l’organisation de la course camarguaise au sortir de la guerre.

La course camarguaise s’appelle alors course libre. La course libre instituée par le premier congrès des clubs taurins de la région en 1937 a elle-même pris la suite de la course provençale qui se pratiquait comme son nom l’indique dans les arènes de Provence.

Les clubs taurins de la région – les plus anciens ont été fondés à la fin du XIXème siècle par des notables locaux – ont lancé les bases de la réglementation. Ils ont créé les premières compétitions entre raseteurs : la Cocarde d’Or et la Palme d’Or en 1928.
Vainqueur de la Cocarde d’Or en 1928 : Granito
Vainqueur de la Palme d’Or en 1928 : Julien Rey

Cocarde d’Or 1929 avec en tête Granito premier vainqueur de l’épreuve

Jusqu’au début des années 1950, les clubs taurins étaient affiliés à la Fédération des sociétés taurines de France qui regroupait toutes les activités taurines, tauromachie espagnole, corrida, course provençale, course landaise…  Peu à peu, ils vont s’organiser régionalement puis trouver une totale autonomie.

La bien nommée course libre, s’affranchissait des codes trop contraignants. Si la tenue blanche était de rigueur pour les raseteurs, le règlement était peu précis. Le nombre d’hommes en piste n’était pas limité. Les tours de ficelle, pareillement. C’était plutôt approximatif. Chaque manadier faisait un petit peu à sa façon.

Affiche Concours de manades à Vauvert en 1924

Il y avait quand même un ordre de sortie des cocardiers, la durée de leur prestation était déjà fixée à 15 minutes, et cela, depuis 1933. Un speaker, souvent un appariteur municipal ou un afeciouna reconnu et compétent, muni d’un micro et d’un électrophone annonçait les primes et présidait au bon déroulement de la course.

L’organisation des courses

Hormis Méjanes – construites en 1955 par Paul Ricard – les arènes étaient pour la plupart des équipements publics. Les grandes arènes étaient gérés par un organisateur privé après adjudication et les petites arènes régies par les comités des fêtes, les municipalités ou les clubs taurins.

À Nîmes, Lunel ou Beaucaire, les adjudications se faisaient à la bougie après appels d’offres. L’espace de quelques secondes, le temps de la combustion des mèches, les candidats à la gestion enchérissaient afin de rafler la mise. Ferdinand Aymé (Nîmes), Lucien Chavon (Lunel) , les frères Pouly (Arles), Paul Laurent (Beaucaire) ont marqué de leur empreinte les plus grandes places taurines.

On l’appelait le « Pape »

…mais moi, j’ai toujours préféré l’appeler « Monsieur Paul Laurent ».

Personnage majeur de la Bouvine, le beaucairois Paul Laurent qui a créé sa manade à la fin de la guerre va devenir l’organisateur privé le plus influent de la course camarguaise. À partir de 1947, il prend la direction des arènes de Beaucaire, puis un peu plus tard, celles de Châteaurenard, des Saintes-Maries de la Mer et en association avec Lucien Chavon, celles de Lunel. Avec Ferdinand Aymé, il codirige les arènes de Nîmes.

Paul Laurent devient un acteur incontournable qui va prendre toute sa part dans la création du Trophée Taurin.

1952 : Premier Trophée Taurin

L’idée du Trophée Taurin revient à Georges Thiel, journaliste au Provençal, l’ancêtre de La Provence. Pas du tout « branché taureaux » même s’il a assisté à quelques courses, Georges Thiel veut lancer une rubrique taurine autour d’une compétition sur l’ensemble de la saison avec la remise d’un trophée au meilleur raseteur.

Son objectif principal est avant tout un challenge commercial face au journal concurrent le Midi Libre.

Dans le sud Gardois, côté rive droite du Rhône, à Nîmes, Beaucaire, Saint-Gilles, Vauvert, les deux quotidiens régionaux  « se tirent une grosse bourre », si j’ose dire. Ils rivalisent âprement pour gagner de nouveaux lecteurs et des parts de marché.

Pas de mystère donc sur les motivations de l’homme de presse ; le premier trophée taurin s’appellera Trophée du Provençal. Mais dès 1967, Midi Libre rejoint l’aventure à son tour et depuis cette date les deux principaux titres du sud de la France sont les coorganisateurs du trophée.

Avec l’aimable autorisation de Julie Zaoui (La Provence) Directrice du Trophée taurin

Pour mener à bien son projet, Georges Thiel a la bonne intuition de s’entourer de deux personnalités expertes, le manadier, organisateur, Paul Laurent , et le chroniqueur beaucairois, Marius Gardiol alias « Mario ». Ce dernier, grand afeciouna, supporter inconditionnel de la devise rouge et verte (Granon, Lafont) est reconnu pour sa vista et sa plume avisée. Un chroniqueur de biòu qui fait autorité.

Les trois hommes vont former le triumvirat de choc qui organisera en 1952 le premier Trophée Taurin dont la finale se déroulera dans les arènes de Beaucaire. Par la suite, la finale aura lieu en alternance dans les Arènes d’Arles et dans celles de Nîmes.

Au début des années 50, comme nous l’avons vu précédemment, parmi les raseteurs, armés de vaillance et d’ardeur, se distinguaient entre autres Volle, Fidani, les frères Douleau. André, le droitier de la fratrie arlésienne, allait se hisser le premier sur le podium en 1952 et en1953. Son frère Roger, le gaucher « carnassier », remportait le palmarès des As l’année suivante.

Le talentueux Manolo Falomir décrochait le titre trois fois de suite en 1955, 1956 et 1957.

Le biòu d’Or

En 1954 les organisateurs du Trophée Taurin décidaient d’honorer également celui sans qui la course camarguaise n’existerait pas, le roi de l’arène : le taureau. Ils voulaient récompenser la manade qui s’était mise la plus en valeur au cours de la saison. À l’époque, la plupart des manadiers pouvaient présenter une course complète et cette année-là, Émile Bilhau proposait à l’affiche une royale qui tenait vraiment la route avec Carretié, Capamon et surtout Janot. L’attribution du premier Biòu d’Or à la manade Saint-Gilloise ne souffrant d’aucune contestation, elle a été fort logiquement saluée.

Toutefois les initiateurs du trophée ont vite pointé une difficulté. Des taureaux pouvaient effectuer une brillante saison sans courir forcément dans une royale. Ils ont donc décidé d’attribuer le Biòu d’Or à un seul taureau. C’est ainsi qu’en 1955, Gandar a été le premier à être sacré à titre individuel.

En cette fin de saison, trois taureaux, voire quatre, pouvaient prétendre au titre de Biòu d’Or. Gandar de Blatière, Cosaque de Lafont, Régisseur de Raynaud et Lopez de Thibaud. Ces taureaux majeurs de la période étaient « tanque – tanque » et faisaient les courses de la Féria, les finales de trophée et autres grandes manifestations taurines. Gandar, alors âgé de 13 ans, tenait l’affiche  depuis sept à huit ans et avait encore été à la hauteur de sa réputation au cours de la « temporada ». Le choix des membres du jury s’est donc naturellement porté sur le cocardier des Iscles.

L’année suivante, c’est Cosaque de Lafont qui obtiendra le titre.

Cosaque, petit par la taille mais grand par le talent. C’était un taureau malin. Très malin. Il semblait qu’il allait se laisser faire, puis soudain, paf ! Il partait comme un éclair. Et avec ça, dangereux à la planche. Il n’envoyait pas le mourre lui non plus.

1957, c’est le tour de Régisseur, la vedette de l’élevage du Grand Radeau. Régisseur, en lice pour le titre depuis deux ou trois ans, c’était un bon taureau, un taureau de sang… mais alors, coureur, coureur, coureur. Les frères Raynaud le faisaient parfois courir le matin en le débarquant. À Mouriès, par exemple, Ils le bandissaient dans l’arène et le laissaient courir un quart d’heure comme ça afin de le tempérer. Mais après, en piste, « ça envoyait du bois ». Quand ça chauffait, il savait s’y mettre.

Il sortait avec Évèque. Évèque était un taureau plus cocardier, genre Mécano de Blatière. Il restait dans la planche. Plus criminel, plus dangereux.

C’était les deux taureaux majeurs de la manade mais les Raynaud pouvaient aussi compter sur Maquisard, Colonial ou encore Escamillo… Une course complète dont la réputation n’était pas usurpée.

Marcel et Jean Raynaud à Canavérier

En 1958, le Biòu d’Or était décerné à Lopez de la manade Thibaud.

Lopez, j’en ai le souvenir, c’était le taureau brave, vaillant. Droite, gauche, droite, gauche… il ne refusait rien. Pas spectaculaire, peut-être, mais alors très combatif. Un bon taureau pour finir une première partie.

1958, c’est aussi l’année où un immense raseteur allait s’illustrer et atteindre le firmament de la course camarguaise.

1958, André Soler ouvrait une nouvelle page et allait entrer dans l’histoire de la bouvine.

Photos : Merci à Agnès Zaoui (La Provence), Jacques Blatière, Alain Bronnert, le club taurin Lou Cosaque de Beauvoisin, la manade Raynaud.

Guy Roca

Avec quelques amis intéressés par l'écriture, la photo, la vidéo, les nouvelles technologies de la communication, nous avons créé Vauvert Plus en novembre 2010. Avec la même passion, la même ardeur, la même ambition, je participe aujourd’hui à la belle aventure de VOIR PLUS, le journal numérique de la vie locale et des associations, de l’actualité culturelle et sportive en Petite Camargue.
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