Mathieu Lacan et Bernard Poujol
Dans leurs rizières de Saint-Gilles, Bernard Poujol et Mathieu Lacan ont organisé un lâcher public de canards lundi 13 juillet. Ils désherberont la céréale camarguaise jusqu’à la mi-août en mangeant uniquement les herbes indésirables et seront 1 200 en tout cette année. Un joli spectacle qui a permis aux deux agriculteurs passionnés et partenaires de présenter leur méthode de culture particulière et innovante. Autrefois, les chinois venaient avec des paniers remplis de canards pour la journée à la rizière. Un japonais a repris cette culture il y a une vingtaine d’année et l’exploitant Saint-Gillois s’en est inspiré.
Pour ce lâcher, les deux cents jeunes canards de barbarie attendaient impatiemment dans la bétaillère tandis que le public écoutait tour à tour Bernard et Mathieu. « Nous faisons une transmission de valeur exemplaire » expliquait l’ancien, avec ses trente-cinq années d’expérience dont quinze dans sa propre exploitation, J’ai moi-même fait une reconversion profonde du métier et je le transmets à un jeune. C’est un projet porteur d’avenir, innovant, qui redonne à la Camargue son vrai visage et permet à Mathieu de créer son entreprise et la rendre viable. »
Le jeune agriculteur vauverdois expliquait la spontanéité de cette alliance. « L’entente s’est faite naturellement, nos convictions se ressemblent. » Il a acheté des terres adjacentes et les exploitations jumelles mutualisent leurs moyens. Une agriculture biologique, écologique et solidaire.
L’INSTANT VIDÉO DE THIERRY BOURDY
Les terres accueillent animaux et plantes, tel l’adage pâturage et labourage que Bernard n’a pas manqué d’évoquer. Vaches Angus, second élevage de Mathieu, moutons et ânes pâturent luzerne ou blé ancien. Les ânes ont pour rôle également d’éloigner les prédateurs ou intrus indésirables. « Chaque culture est associée à un élevage, comme autrefois ! » s’exclame Mathieu.
Les canards doivent être jeunes et légers pour ne pas faire de dégâts. Ils ont un mois et demi, le même âge que la rizière et évoluent ensemble. Les deux variétés cultivées sont l’Arelate et le riz rouge, semées à sec, sans eau. « La terre se croûte, devient comme du béton et le riz meurt dessous » expliquent les agriculteurs. Ils doivent décroûter avec des pointes mécaniques, un travail délicat pour semer à cinq centimètres de profondeur sans abimer les germes. « L’agrochimie c’est facile, nous, nous sommes sans filet ! » Bernard cultive de cette manière agronomique depuis quinze ans. « On a mis en place un système performant et écologiquement responsable. » Il se définit comme un agriculteur novateur. Autrefois le riz était cultivé différemment. C’est son système racinaire à deux vitesses qui permet de le semer soit en milieu inondé soit sec.
Face au riz conventionnel, la production reste comparable, cinq tonnes contre six. Bernard constate satisfait que le rendement en bio augmente régulièrement. Son prix de revient est cependant de 2 500 euros tonne contre 300 en conventionnel, justifié selon lui par l’effort en recherche technique. Le prix de vente public est également le double et les producteurs doivent associer les consommateurs pour qu’ils soutiennent ce projet. Un choix engagé pour soutenir cette agriculture du 21ème siècle selon Bernard. Il est convaincu que l’homme doit servir la nature pour pouvoir en vivre, une question d’organisation pour que chacun ait sa place. Un retour aux origines et une touche de spiritualité pour vivre le métier en fonction de ses croyances et mettre des actes en face de ses idées. Le résultat est une osmose moderne entre l’homme et la nature. « Je fais des choses de manière intuitive. A force de vivre avec la nature, nous sommes connectés et elle fait passer des messages J’entends le riz parler ! »
Nathalie Vaucheret
La production est vendue en direct sur internet ou avec Transgourmet. Ce distributeur en gros qui regroupe plus de cinq cents agriculteurs innovants a qualifié le riz produit à Saint-Gilles d’exemplaire.
Contact Mas Neuf de la Motte 06 33 44 68 90